Roman - 2011 - Les eaux amères by Job Armel

Roman - 2011 - Les eaux amères by Job Armel

Auteur:Job, Armel [Job, Armel]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman
Éditeur: Robert laffont
Publié: 2011-02-02T23:00:00+00:00


11.

De la soupière au milieu de la table s'élevait une vapeur odorante, juste sous le lustre à quatre branches où, semblait-il, elle se divisait avant de devenir invisible. Sans doute s'étalait-elle sur le plafond pour y refroidir lentement jusqu'au jour où elle se transformerait en poussière. Alors elle redescendrait peu à peu et pleuvrait délicatement sur les meubles.

Elle s'accrocherait à la corniche de la belle vitrine liégeoise dans laquelle étincelait la porcelaine trop précieuse pour être utilisée. Elle s'allongerait sur toutes les surfaces planes, le marbre noir de la cheminée, la glace penchée au-dessus, le couvercle du piano, le bahut où était rangée la vaisselle utilisable. Elle s'incrusterait dans les moulures du tableau représentant un chien ramenant à la nage un colvert abattu au milieu d'un étang et dans celles de cuivre de l'horloge comtoise achetée par complaisance à Léopold Gaillet.

Ce séjour cependant serait bref. L'impitoyable chamoisine d'Esther aurait tôt fait de la déloger. Dans les replis jaunes de son duvet, elle quitterait bientôt la salle à manger, se verrait transférée par la cuisine jusqu'à l'extérieur où elle serait secouée, s'envolerait et atterrirait dans le potager peut-être, prête pour un deuxième tour de piste par les racines des légumes futurs jusqu'à la soupière qui fumerait comme elle fumait ce mardi soir-là sous les narines de Bram.

La comtoise venait de sonner la demie de huit, elle allait la répéter. Dans l'intervalle, Bram entendit la voix d'Esther à la cuisine.

« Bram, mon loup, tu veux bien servir ? Je jette un coup d'œil au rôti. »

À son retour d'Anvers, quand il avait voulu s'asseoir à la cuisine, il avait constaté que la porte de la salle à manger était ouverte et que la table était dressée.

« On soupe dans la salle à manger ?

— Oui, et même je dirais plutôt : on dîne.

— Pourquoi ?

— Pourquoi pas ?

— Ce n'est pas un jour de fête.

— Justement, si ! C'est jour de fête puisque tu es revenu, que tu vas aller mieux maintenant, j'en suis sûre. Allez, laisse-toi faire, donne-moi ta veste.

— Je préfère la garder. »

Esther était gaie, d'une gaieté de jeune fille, sautillante, comme si, pendant son absence, elle avait fait un salto arrière dans le temps. Cette jeune fille avait eu une frayeur, aurait-on dit, car elle montrait le soulagement radieux d'après danger. Était-il possible qu'elle se soit inquiétée à ce point de la santé de Bram ? Avait-elle craint qu'il ne rentre pas, qu'on le garde à Anvers ? Le cœur de Bram allait défaillir.

Mais, en même temps, une petite voix au fond de lui-même lui susurrait qu'Esther en faisait trop. La salle à manger, pour ne pas la nommer ! Enfin, on n'y mangeait pas trois fois par an !

Tout de même, il s'était assis parmi les beaux meubles qui sentaient l'encaustique. L'instant d'après, Esther apportait le seau à glace et la bouteille de champagne. Elle tenait absolument à trinquer. Elle avait sorti les verres en cristal.

« Tu n'imagines pas le poids que ça m'ôte du cœur de savoir que tu n'as rien.



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